Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Ce qu’un mouton me bêle à l’oreille

Mystique

L’observation du monde animal résonne parfois avec nos propres comportements. Jean de La Fontaine en a été l’enchanteur, il a mis cette résonance en musique. Et même le monde mouton, si loin de nous, a laissé dans notre langue le mot moutonnier, et les fameux moutons de Panurge.

Le troisième n’est pas un mâle plus jeune, il est différent, peu cornu.

Ce sont les moutons de Soay qui m’inspirent aujourd’hui. Ils nous racontent une histoire peu ordinaire. Soay est une île toute petite, au Nord de la Grande Bretagne. Les hommes y ont installé ces petits moutons il y a de nombreux siècles, presque des millénaires.

Si tous les scientifiques s’accordent pour voir un mouflon oriental comme l’ancêtre de nos races de mouton actuelles, il est aussi clair que celui de Soay présente bien des caractères archaïques, d’avant la domestication : par exemple, il se délaine quasi tout seul, comme un grand, tout comme les animaux sauvages avant les périodes estivales. Sa viande évoque plutôt une viande de gibier. Il est extrêmement rustique, ce qui veut dire qu’il s’accommode d’une végétation très diverse, qu’il ne craint pas un climat pourri, et qu’il est peu sensible aux parasites et autres ennuyeux.

Moutons des Pays Bas, bien laineux

Un autre comportement hors norme de notre Soay : il n’est pas moutonnier ! Jean de La Fontaine aurait aimé le connaître !

C’est donc l’homme qui a rendu le mouton moutonnier, plus tard, au cours de sa domestication.

Si vous embêtez les Soay, ils s’éparpillent en petits groupes « suivant affinités ».

En domestiquant cette espèce, pour se fournir en laine et en viande, les hommes ont agrandi les troupeaux. Avec le travail de sélection opiniâtre, certaines races sont devenues de véritable pelotes de laine à pattes. Les éleveurs se sont faits aider rapidement par des chiens nommés logiquement bergers comme eux : tout ceci a changé lentement le mental mouton …qui est ainsi devenu un beau jour… moutonnier.

Cette publicité a fait le tour du monde : on n’est pas loin de la maltraitance : les premiers moutons qui étaient dépoilés ainsi se cassaient la goule, déséquilibrés sous le poids de la laine : pas moyen de faire la photo.

Les Soay sur leur petite île ne connaissent pas de prédateur, à par l’homme. Curieusement les femelles sont bien plus nombreuses, et autre rareté, il y survit des mâles à petites cornes…Bien évidemment totalement bousculés par les mâles à grande parure, au cours des joutes pour l’accès aux femelles, mê, mê, mê…

Ces mâles peu rassurants a priori pour les femelles sont quand même acceptés par ces dernières quand les grands mâles, épuisés par un nombre important de coïts, « baissent un peu la garde ».

Et l’absence de prédateurs rend ces mâles peu cornus acceptables après tout. « La loi du plus fort », universelle dans la nature brute, connait donc des exceptions.

Notre histoire humaine est faite de guerres depuis des milliers d’années. Globalement, c’est la stabilisation des frontières qui a permis un peu de douceur, puis l’installation d’une diversité : c’est un phénomène récent, lié à l’abondance alimentaire, grande nouveauté…

Dans le monde d’avant, le conformisme était de mise. Panurgisme social, vestimentaire, religieux, régi par la peur intériorisée de se « sentir différent ».

Dans le monde de maintenant, ce goût pour le conformisme est savamment exploité par la publicité : c’est son essence même ! Admirez le succès complètement moutonnier des voitures SUV ! Qui ne sont pourtant que de simples machines à détruire l’environnement !

Suvisament démonstratif !

Ces moutons ne craignent par les orties

PS : sans prédateur, les moutons de Soay connaissent régulièrement des problèmes de surpopulation : quand la ressource est insuffisante, la famine s’installe ; les bêtes s’amaigrissent, leur immunité s’affaiblit, ils deviennent plus sensibles aux parasites et autres malfaisants microscopiques. Les épidémies peuvent naître, et la mortalité augmente…

Entre le loup et le parasite, la nature leur offre choix bien cruel…